Droit de réponse à l’article d’Atlantico de la part d’un papa d’X Fragile

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Messieurs,

Dans un article du 2 janvier 2017, Atlantico interview Michel Bénézech, psychiatre, criminologue, etc., à partir des résultats d’ une récente étude de neuroscientifiques de Caroline du Nord et de Nouvelle-Zélande qui aurait constaté que 20% des enfants de 3 ans ont 80% de chances de devenir des criminels d’après l’état de leur cerveau

Le résumé de cette étude est disponible ici

http://www.nature.com/articles/s41562-016-0005.

Il ne porte en aucun cas sur la propension à devenir criminel mais sur la propension à devenir un fardeau économique, criminalité entre autres. La présentation que vous faîtes de cette étude est donc biaisée, voire mensongère.

Les conclusions de cette étude ont été largement critiquées, notamment parce qu’elles reposaient uniquement sur des observations comportementales, en non pas sur des examens cliniques de l’état du cerveau (scanner, IRM, etc) ni sur des analyses biogénétiques.

http://blogs.discovermagazine.com/neuroskeptic/2016/12/19/neuroscience-potential-criminals/#.WG0PtFzwk7E

Partant de là, votre prétendu expert, dont rien n’indique qu’il a une quelconque compétence en biogénétique, affirme :

 » on connaît depuis longtemps des facteurs de risque criminel de nature biologique, certains étant héréditaires comme la faible réactivité du système nerveux autonome : niveau cortical d’éveil plus bas (diminution de la fréquence cardiaque et de la réaction électrodermale), extraversion, impulsivité, névrosisme (anxiété, susceptibilité, irritabilité). D’autres facteurs de risque plus rares sont liés à des anomalies génétiques (chromosomes X et Y supplémentaires, syndrome de l’X fragile, gène ATRX…)”

Or, ceci est faux, ainsi que l’a démontré à plusieurs reprises Bertrand Jordan, qui lui est compétent. Il a notamment montré comment le gène de l’X Fragile a pu être à un moment  considéré comme le gène de la criminalité. Vous en trouverez la description ci-dessous.

Extrait de « Les peurs collectives » par Sylvain DELOUVEE,Patrick RATEAU,Michel-Louis ROUQUETTE, ci-dessous, montre comment le gène de l’X Fragile est devenu le gène du crime pour des pseudo experts et journalistes peu scrupuleux, et plus préoccupés de faire du sensationnalisme que de l’information.

Un autre des obstacles majeurs à la diffusion de la connaissance scientifique est que celle-ci est souvent désenchanteresse et peu spectaculaire, ce qui incite parfois les médias à choisir de rendre l’information scientifique plus attractive qu’elle ne l’est en réalité. Dans l’introduction de son livre « Les imposteurs de la génétique » (2000), Bertrand Jordan a montré comment certains fantasmes concernant le progrès scientifique, l’urgence de la diffusion de l’information et l’intérêt pour le sensationnel avaient pu faire écrire en 1996, dans le « Courrier International », qu’un test permettant d’établir la présence d’un gène criminogène chez un individu allait être mis au point en Grande-Bretagne. Ce gène là est un vieux serpent de mer de l’imaginaire biologique. Il est le contenu d’une idée simple qui marque les esprits, et qui permet de rendre compte facilement de comportements comme le crime, l’alcoolisme, l’homosexualité, etc. OR, s’il est vrai que les gènes expliquent bien des choses, peu de scientifiques seraient prêts à dire qu’ils suffisent à expliquer un phénomène aussi complexe que la déviance par exemple, tandis que bien des journalistes pourraient le faire sans état d’âme.

Jordan se demande donc comment une nouvelle de ce type a pu être publiée dans un journal de bonne réputation. Il remonte le chemin qui de « Courrier international » à un article de « La Stampa », de « La Stampa » au « Daily Mail », du « Daily Mail » à un texte paru dans le « Sunday Times » mène à un entretien téléphonique accordé par le professeur Howard Cuckle. Or ce dernier n’avait rien évoqué d’autre que le syndrome de l’X fragile sur lequel, en effet, un test à grande échelle allait être mis en œuvre et qui, pour un scientifique, n’a rien à voir avec l’idée d’un gène de la criminalité. L’information s’est déformée par incrémentation au point de s’identifier à un stéréotype spectaculaire de l’imaginaire de la biologie. « Courrier international » s’est bien fendu d’un rectificatif, mais on imagine aisément qu’il a eu beaucoup moins d’impact dans l’opinion publique.

….

Plus récemment, dans une analyse d’une étude finlandaise sur une éventuelle association entre 2 gènes (MAOA, HTR2B) et criminalité, Bertrand Jordan conclut :

http://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2015/01/medsci20153101p105/medsci20153101p105.html

….

« C’est peut-être le point le plus important de cette étude (et de celles qui l’ont précédé) : malgré tous les efforts déployés, on ne détecte pas de gènes dont un allèle aurait un effet majeur et conférerait à son porteur un risque relatif élevé de violence ou de criminalité. Compte tenu de la sophistication des échantillons et des méthodes, cela signifie que de tels gènes n’existent pas.

Néanmoins, ce travail n’échappe pas au risque de surinterprétation, favorisé par des ambiguïtés dans sa présentation « 

….

Ainsi donc, Michel Bénézech, expert contributeur à Atlantico, et Atlantico appartiennent à la catégorie pour des pseudo experts et journalistes peu scrupuleux, et plus préoccupés de faire du sensationnalisme que de l’information, tels que mentionnés dans “Les peurs collectives” cité ci-dessus.

Il me parait que la moindre des choses que vous puissiez faire est de publier le rectificatif qui précède, ce que je vous demande instamment de faire.

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Salutations

Christian Fuchs

Père d’un enfant XFragile

3 réflexions au sujet de « Droit de réponse à l’article d’Atlantico de la part d’un papa d’X Fragile »

  1. Merci pour cette explication magistrale, ex. : »Un autre des obstacles majeurs à la diffusion de la connaissance scientifique est que celle-ci est souvent désenchanteresse et peu spectaculaire, ce qui incite parfois les médias à choisir de rendre l’information scientifique plus attractive qu’elle ne l’est en réalité. » à garder bien précieusement dans sa tête ! Merci ! . V.S.

  2. Bonjour, je suis maman d’un petit garçon atteint du x fragile. parfois j’ai peur car mon petit garçon peut être capable d’une grande violence. Je mets tout en place pour que cette violence cesse. Elle diminue progressivement mais ressort parfois au point que je ne peux jamais le laisser seul avec son petit frère… j’arrive à me battre avec paul contre beaucoup de choses, mais en lisant cet article je me suis effondrée. Quelqu’un a mis des mots sur ma plus grande peur. Que mon fils devienne un criminel sans meme s’en rendre compte qu’il fait du mal…
    Bref j’avais juste besoin de partager parce que je sais que vous me comprenez.
    Annelise

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