10 octobre : journée internationale du Syndrome #XFragile : make foutage de gueule du #handicap en #France great again

Mis en avant

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J’ai décidé de recycler un ancien billet. Celui de l’an dernier que j’adapte un peu. Comme rien ne change c’est pratique, on peut se répéter indéfiniment …Je fatigue. On pisse dans des violons troués. On est des Don Quichotte qui nous épuisons en espérant peut être à force faire suffisamment de pression pour que ça change … mais quand ?

Chaque handicap mental a sa journée. C’est comme pour tout. Aujourd’hui c’était la journée mondiale du sourire.ça devait aussi être la journée d’un autre truc… parfois on a plusieurs célébrations en une journée. pas évident de s’y retrouver.

En tous cas, Mercredi 10 Octobre 2018 c’est la journée internationale du Syndrome X Fragile.

Le syndrome X Fragile appartient à la grande famille du handicap mental. C’est une maladie génétique héréditaire qui touche une protéine du chromosome X et selon le degré de mutation on peut être prémuté sans exprimer les symptômes à mutation complète avec un retard mental de léger à profond. Tout dépend du degré de mutation du gène. Plus la mutation est élevée plus on a en général des symptômes.

L’X Fragile est souvent assimilé à l’autisme. C’est plus facile de le résumer ainsi. Les gens comprennent mieux. Merci Rainman. Même si l’autisme c’est loin d’être comme Rainman. On parle de symptômes autistiques chez les X Fragile car on retrouve souvent les même choses :

  • difficulté à gérer les émotions
  • grosse anxiété
  • résistance au changement
  • évitement du regard
  • besoin de rituel
  • balancements
  • gestes répétitifs
  • écholalie

A cela se rajoute :

  • battements des avant bras / mains
  • auto mutilations (morsures des doigts / mains)
  • oreilles décollées
  • epilepsie possible
  • retard mental : retard psychomoteur / retard des apprentissages (propreté aux toilettes notamment)
  • hyper activité (surtout petits)

Il y a d’autres signes cliniques possible mais voilà grosso modo comment l’X Fragile se traduit.

Alors oui il faut toujours se renseigner dans son entourage sur des cas de retard mental non expliqué, il faut si c’est le cas en parler à son gynécologue car il existe des solutions de prévention et de diagnostique prénatal (biopsie du trophoblaste / diagnostic pré implantatoire)… Il faudrait que les « errances diagnostiques » au lieu de trainer de psy en psy finissent par mener systématiquement à la piste génétique… je ne dis pas que la génétique a réponse à tout mais quand on sait que la moyenne d’âge d’un diagnostic X Fra est toujours en moyenne de 12 ans, on peut se poser la question …

Mais tout cela ça fait des années que j’en parle. Ce dont je parle souvent aussi (moins ces derniers temps) c’est de ceux qui sont là, qui existent… ces personnes X Fragile, enfants, adultes, laissées pour compte, sans solutions de scolarisation ou de placement.

Moi j’aimerai comprendre pourquoi en France, même en région parisienne, on a encore des situations aberrantes d’enfants qui ont 10 ans meme plus et qui sont déscolarisés. Même pas une place en IME …. Pourquoi des adultes sont parqués dans des espèces d’hospices mal adaptés, pourquoi des gens partent en Belgique parce que leur propre pays ne sait pas les prendre en charge et les aider ?

Moi je rêve d’une journée mondiale du handicap mental. Où on ne parlerait plus de l’autisme, de l’X Fragile, de la trisomie 21 … mais où on aborderait le handicap mental dans sa globalité. Où l’union ferait la force. Une action d’envergure où toutes les associations se réuniraient pour se manifester contre les pouvoirs publics et exiger la dignité et le droit à la vie presque comme tout le monde. Je rêve de personnes dirigeant notre pays qui prennent leurs responsabilités, qui ne laissent pas les handicapés mentaux en vrac, sacrifiés de la société.

Le 10 Octobre j’aimerai que cette journée de reconnaissance du Syndrome X Fragile réveille un peu les consciences, éveillent les journalistes sociétaux à mettre en lumière les carences de prise en charge des personnes handicapées mentales en France. X Fragile, autiste, combien d’enfants sont déscolarisés faute de CLIS ou de place en IME ? Combien d’adultes vivent chez leurs parents où dans des institutions sinistres, inadaptées à leur handicap et tellement pas épanouissantes….

Il y a des gens bien dans le milieu du handicap. Des professionnels qui font souvent ce qu’ils peuvent, des associations qui triment, des parents volontaires, des enfants et des adultes atteints joyeux, vivants… J’aimerai bien que tous ces gens soient entendus, respectés et traités avec dignité.

Le handicap sert la communication politique, à dorer le blason de Brigitte Macron, ses consoeurs et prédecesseurs…, il y a quelques effets d’annonces par ci par là pour donner l’illusion que les handicapés sont pris en compte et puis la réalité du quotidien des familles reprend le dessus et rien ne bouge de nouveau …

….ça prouve à quel point ce n’est pas un sujet majeur … même pas un sujet mineur… tout le monde s’en fout on dirait..  tout le monde sauf ceux concernés. C’est moche quand même vous ne trouvez pas ?

Pour plus d’informations sur l’X Fragile :

Association X Fragile France sur Facebook : https://www.facebook.com/FragileXFrance/

Site Internet : https://www.xfra.org/

 

 

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Hugo, mon frère #FragileXtraordinary

Le Samedi 10 Octobre 2015 c’est la journée Européenne d’information sur le Syndrome X Fragile. Je crois que pour ceux qui suivent mon blog, il est impossible de ne pas en avoir entendu parler …

Samedi 10 Octobre, les réseaux sociaux vont se couvrir de photos symbolisant l’X Fragile et du hashtag #FragileXtraordinary

Je ne pourrai pas faire de photos avec mon frère les bras croisés en X alors à la place je vais vous raconter une histoire…

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Mon Hugo, mon frère #FragileXtraordinary

Mon Hugo, tu as déboulé dans nos vies quand j’avais 17 ans et demi. L’année de mon bac. Nous étions tous dingues de toi. Un bébé dans la famille après 15 ans de vie à deux avec ma soeur. Un garçon en plus! Comme tu étais mignon !

Je me souviens encore à 4h du matin, maman qui est venue me réveiller pour me dire qu’ils partaient à la maternité avec papa… Elle avait perdu les eaux. A partir de là, je n’ai plus tenu en place. J’ai fait un ménage de printemps de dingues. Fébrile à attendre un appel…

Dès 8h du matin j’appelais la maternité toutes les heures. Et à 11h50, papa a appelé. Nous avions un petit frère. Toi, Hugo. J’en revenais pas. Tu étais le premier nourrisson que je rencontrais. Je me souviens de cette journée de mai (le 22) où il faisait si beau et si chaud. Et nous sommes allés te rencontrer dans cette maternité surchauffée. WOW. Tu étais minuscule ! Un petit abricot sans cheveux! Je t’ai pris dans mes bras. Tu sentais bon le bébé. Tu étais si calme, si doux, si adorable.

Et puis tu es rentré à la maison avec maman. On faisait la course le soir avec papa et Barbara pour arriver les premiers et te prendre dans les bras….

Plus tard, parfois on aurait bien aimé ne pas avoir à te prendre autant dans les bras car il faut bien reconnaître que tu pleurais beaucoup… On te berçais pendant des heures dans ton landau dans le grand salon. Maman parfois partait faire des tours de voiture avec le maxi cosi. On s’est habitué. Des heures à faire avant / arrière avec le landau sur Otis Redding : Sitting on the dock of the Bay ou Aretha Franklin et son I never loved a man (the way I loved you) et EVIDEMMENT Respect. Ta favorite de toutes mais celle là c’était pas pour dormir… C’était pour danser et rigoler.

Des nuits donc où tu pleurais beaucoup mais nous on découvrait les bébés… Papa et maman avaient oublié …

Et puis les mois ont passé… Tu as commencé à te tenir assis… et puis tes oreilles se sont franchement décollées. On se disait : mais quand même c’est marrant ces p’tites oreilles décollées d’où elles viennent ? Et puis tu commençais a faire des trucs marrants avec tes avant bras et tes poings… Tu les dressais et tu les serrais fort… Papa disait : il remue des brandillons!

Et puis plus tard, tu as commencé à avoir des petites crises de rire un peu surprenantes… et puis tu adorais les couvercles. Tu les faisais tourner, tourner, tourner, avec une dextérité incroyable.

Maman ne disait rien. Nous on ne savait rien. Mais maman avait une inquiétude latente. Un truc au fond d’elle qui lui faisait penser que tu étais différent… mais bon… fallait pas s’inquiéter.

Tu as eu l’âge des apprentissages comme on dit… Le langage ne venait pas vraiment… et puis tu donnais des coups de boule si on te regardait droit dans les yeux. Et puis tu as commencé à t’auto-mutiler… tu te tapais la tête… et puis tu criais … Tu ne parlais pas vraiment il faut bien l’avouer…

Tu faisais tourner des couvercles, tu mordais fort la peau au dessus de ton pouce (tu avais même de la corne a force de mordiller), tu remuais des brandillons, tu te tapais la tête, tu te balançais aussi et puis … tu détestais qu’on aille ailleurs qu’à la maison… tu étais résistant au changement. Tu hurlais dans les ascenseurs quand on allait au magasin de maman (qu’elle a fini par revendre)…

Tu as continué de grandir …. A l’âge de 2 ans, on a tous atterri en psychothérapie familiale… Il y avait un truc qui déconnait mais fallait que ce soit d’abord psy. Tous en famille au CMPP de Versailles avec une gentille psy qui nous disait « Il y a souffrance » … On se regardait tous comme la famille de Malcolm la série TV ou comme dans la Famille Addams et on se disait : euh… Sans blague ?

Maman savait que c’était pas psy ni que c’était de sa faute (ouais les psy aimaient bien lui dire que c’était de sa faute à maman) … Elle avait un livre qui s’appelait Votre Enfant. Une bible des pathologies … Un dictionnaire des maladies. Et puis elle a lu : Syndrome X Fragile. Un choc. C’était ça, elle en était sûre. Elle a fait un forcing de dingues au CHU de Versailles pour que tu fasses un test génétique. Le résultat fut sans appel : Syndrome X Fragile en mutation complète…. C’ETAIT QUOI CE TRUC ?!

On est tous passé à la prise de sang. Maman était porteuse, et puis moi aussi… La généticienne de l’époque pas très sympa m’avait balancé : « Bon bah, mauvaise pioche » …. sur le moment j’avais vachement bien refoulé…

Alors voilà Hugo. Grâce à toi, on a découvert que cette maladie génétique existait et qu’en plus elle existait dans notre famille. Les soeurs de maman étaient forcément porteuses (bah oui c’est notre grand pere maternel qui a transmis son X Fragile à ses filles) et puis mes tantes ont comme maman eu un risque sur 2 de transmettre un X Fragile … Un gène mutant placé sur le chromosome X …. (j’ai d’autres textes plus scientifiques qui expliquent) …

Donc Hugo, tu n’étais pas AUTISTE mais X Fragile. A vrai dire, beaucoup de diagnostiqués Autistes sont X Fragile car il y a beaucoup de symptômes autistiques dans l’X Fragile…

Alors on a appris à découvrir et vivre avec cet X Fragile. Il y a eu des années dures il faut bien l’avouer… Très violentes… Tu n’arrivais pas à t’exprimer ni à maitriser ton angoisse alors tu hurlais, tu t’auto-mutilais, tu nous donnais des coups, tu t’es même cassé une dent … Tu ne dormais pas des masses… Tu étais tout maigrichon mais tu adorais les TUC. Je ne sais pas comment tout cela a fini par se calmer mais on t’as laissé exprimer à fond ton X Fragile. De toutes façons on avait été prévenus, il y avait une période préscolaire assez rude à passer…

Mais bon on a eu des bons moments aussi … On a toujours réussi à communiquer. Et puis entre toi et moi Hugo il y a toujours eu un lien spécial. Je suis ta graaaaande soeur. Je te racontais des secrets dans les oreilles ça te plaisais, j’imitais Alf « Oooouh mouaaaa j’aime bien les p’tits chaaaaats » … tu adores toujours ça …

Bon on va pas revenir sur les années de CAMSP  avec les séances de psychomotricité, orthophonie, les intégrations partielles en maternelle, le premier IME puis la déscolarisation parce que bon c’etait pas tres net dans cet IME … Alors papa et maman ont déménagé pour se rapprocher du nouvel IME que tu as pu intégrer à l’âge de 8 ans … Je ne vivais plus à la maison à ce moment là … Et puis ton petit frère et ta petite soeur sont arrivés aussi entre temps…

Ah il y a toujours eu beaucoup de vie, beaucoup d’ambiance à la maison. Heureusement c’était grand. Vous pouviez hurler courir, exprimer tout ce qu’il y avait à sortir! Les gens normaux devaient trouver que c’était une maison de fous… mais quelle vie! Et puis tu n’as jamais pris de médicaments … Enfin pas des psychothropes / anxiolytiques parce que sinon t’as eu vachement d’otites, et de bronchites etc. … et puis tu devais faire souvent des bilans à l’hopital Robert Debré … ça te rendais malade…  Tu vomissais sur papa … Fallait prévoir du rechange…

Allez je passe… je passe sur les années de souffrance, de jugement des gens, de justification et explications de ton handicap quand on te regardais de travers toi, nous, les maudits, les pestiférés … J’estime qu’on n’a plus à se justifier et on se fout des préjugés. Tu as fini par te calmer mine de rien, (même si tu peux encore avoir des crises parfois) et tu as intégré l’IME de Saint Germain en Laye où tu as passé 13 années géniales. Enfin nous on pense que ça a été super jusqu’à tes 15 ans à peu près … Après c’était plus du gardiennage. Mais c’était ta 2eme maison… Et tu y a fait beaucoup de progrès.

Bon évidemment tu es en mutation complète, on ne peut pas te demander la lune hein… mais tu sais mieux t’exprimer à présent. Tu baragouines, tu as ton langage mais on se comprend bien. Et puis tu as un humour dingue…

Tu as tes périodes où tu fais des fixations sur des trucs : les Triangles (tréteaux de marché), tu adores que Barbara et moi on joue à Trois petits chats, Maya l’abeille et Pépito et quand tu joues avec nous tu nous explose les mains parce que t’as vachement de force! Tu as une adoration inaltérable pour Madonna et Jane Fonda. ça, on doit le dire, ça fait des années que ça dure… Jane Fonda et ses copines Kim et Michelle qui font des cours de fitness…avec une grosse préférence pour les K7 VHS où elle a un « maillot de bain orange » … Je pense qu’avec papa on a récupéré toutes les VHS existantes du marché en France sur leboncoin et à l’étranger sur Amazon.com – En ce moment tu es persuadé qu’une version en maillot rouge existe mais en fait non … c’est l’écran d’ordinateur qui fait ça …Tu maîtrises super bien YouTube et tu adores la météo … Tu as tes présentatrices favorites…

Pour Madonna c’est le clip de « Time goes back »  (Hung Up) en remake avec GLEE (la série) …  Dans le clip, il y a un poste genre transistor que tu kiffais à fond… Trop fiers on l’a trouvé chez Darty pour noël dernier… mais maintenant t’en as repéré un autre… mais celui que t’as repéré c’est un modèle collector customisé à 800 euros … on peut pas suivre Hugo…

Aujourd’hui tu as 22 ans. Tu passes tes journées dans un centre occupationnel pour adultes handicapés mentaux … on se voit moins parce que je suis grande moi aussi et que je vais voir un bébé à mon tour (et grâce à toi il sera pas X Fragile mon bébé parce que j’ai pu faire un Diagnostic Pré Implantatoire)… j’ai du faire très attention avec ce précieux bébé que je porte qui va bientôt naître….alors on s’est pas beaucoup vu cette année mon Hugo… ça m’a manqué… je me sens un peu coupable. On n’a pas eu notre sacro-sainte semaine du 15 août en famille à la Bretonnière… Je ne suis pas venue à la maison dormir des WE et on n’a pas fait de pancakes … on n’a pas pu faire Jane Fonda ensemble…. Yiayia n’a pas pu aller plonger dans les vagues de la plage de la Terrière avec toi…et puis tu n’as pas pu venir dormir chez moi à Paris et on n’a pas pu prendre le métro comme tu aimes… je suis désolée Hugo je te promets qu’on se rattrapera et que tu seras toujours dans mes priorités…

Tu es venu me rendre visite avec papa … Tu as rigolé en voyant mon gros ventre… pas évident pour toi de comprendre tout ça … mais on s’appelle quand même… Bon alors évidemment on s’appelle à ta façon… Tu m’appelles 15 fois en me disant : tu fais quoi Yiayia tu vas où ? Comme dans le livre de Jean Louis Fournier « On va où papa ? » … ça doit être un truc chez vous les personnes différentes… Vous aimez bien savoir où vous allez et vous avez besoin qu’on vous le répète souvent. Je crois que ça vous rassure.

Grâce à toi Hugo j’ai pu m’éviter d’avoir moi aussi un enfant X Fragile. Je te serai reconnaissante à vie. Tu as transformé nos vies Hugo. Tu nous empêche de devenir superficiels. Tu nous rappelle à l’ordre. Tu es le garçon le plus cool et le plus gentil que je connaisse. On a du mal à croire que tu as pu être hyperactif plus jeune. T’es pas compliqué mon frère.

Ce qui est compliqué c’est la société et notre pays qui ne facilite pas la vie des familles et des personnes différentes comme toi. Ce qui est compliqué c’est de trouver des endroits bien pour toi, qui sont adaptés à ton handicap pas trop loin de ta famille et où on pourrait être sûrs à 100% que tu serais heureux. Ce qui est compliqué c’est le regard de la société sur le handicap mental. Ce qui est compliqué c’est que les pouvoirs publics n’en ont rien à cirer du handicap mental. Ce qui est compliqué c’est qu’il faut se battre tout le temps pour toi, pour tous les autres. Mais sinon toi t’es pas compliqué Hugo. On sait bien…

Alors voilà Hugo. Parce que le 10 Octobre 2015 c’est la journée des X Fragile, je voulais te faire honneur et te rendre hommage. T’es un petit frère génial et je suis heureuse de t’avoir dans ma vie. Et même si la vie doit suivre son cours pour chacun de nous, même si on grandit, même si l’avenir parfois fait très peur quand on y pense, je sais qu’on sera toujours soudés. Je serai toujours là pour toi mon frère. Et toujours, toujours je ferai tout ce que je peux pour que tu sois heureux. Car plus que n’importe qui, tu le mérites grandement.

Tu es Xtraordinaire. Tu es #FragileXtraordinary. Merci.

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Où commence et où s’arrête la décence / indécence sur les réseaux sociaux ?

Bonsoir à tous !

Des longs mois que je n’ai rien rédigé sur mon blog … pardon à mes lecteurs. J’ai au moins une bonne raison et plein d’autres peut être plus aléatoires.

Souvent durant ces longs mois j’avais envie d’écrire. Des idées que je tapotais vite sur mon appli Notes d’iPhone et qui sont restées en suspens… des envies subites de réactiver mon blog beauté sur blogger voyant qu’il était cliqué… et puis un blog beauté c’est sympa, c’est léger, c’est relativement facile et comme je ne blogue pas en pensant à faire de l’audience et du fric, ça va…

Et puis j’ai un brouillon trèèèèèèès long en attente que je ne veux pas publier maintenant mais que je me suis promis de publier quand ça sera le moment. Un long texte où mon expérience fait un peu « cas d’école » sur ce que j’ai vécu et ce que je vis encore depuis quelques mois. ça n’intéressera pas tout le monde. Sûrement un public particulièrement ciblé mais je crois que ça sera bien et utile que je partage ce truc extraordinaire que je vis.

Alors voilà. Je suis enceinte. J’entame le 8eme mois. Pas de roulement de tambour, pas de baby shower, pas de photos, mais oui je suis enceinte. Et c’est super. Je veux dire, je suis heureuse. Chanceuse. Chanceuse parce que pour ceux qui connaissent mon blog, connaissent ce truc qui revient de façon récurrente : le Syndrome X Fragile. La maladie génétique dont mon frère est atteint et dont j’ai découvert que j’étais porteuse à l’âge de 19 ans (quand on a diagnostiqué mon petit frère)… et pour avoir la chance d’être maman, j’ai eu recours a un Diagnostic Pré Implantatoire. Vous voulez savoir ce que c’est ? L’agence de Biomédecine explique parfaitement la chose ici : http://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/2012_brochure_dpi_vdef.pdf

C’est un truc balaise. On ne peut pas tous y accéder. Il y a des tonnes de conditions sur lesquelles je ne vais pas m’étendre ici. C’est un parcours du combattant, une loterie, une vraie démarche qui demande aussi beaucoup de détermination et un engagement total, à deux.

imagesDonc j’ai eu de la chance. J’ai eu de la chance parce qu’en plus, je m’y suis reprise, « vieille ». Je vais avoir 40 ans à la fin de l’année. Plus on est biologiquement « vieille », moins on a de chance que ça marche. Pour plein de raisons au delà de la fertilité. On a moins de chances de pouvoir essayer.

Alors j’ai eu de la chance. Parce que sur 7 embryons, il y a eu un embryon parfait, warrior, qui a pu subir une biopsie pour pouvoir subir un examen génétique. Et puis il était tellement parfait ce petit embryon qu’il n’avait pas d’X Fragile, il a même survécu à la biopsie et il a accepté de continuer son processus de vie dans mon ventre. On a eu beaucoup de chance…

Mais bien sûr, rien n’est jamais simple, alors le démarrage a été chaotique. J’ai eu très très peur de le perdre mon bébé miracle. J’ai été vite arrêtée, souvent allongée, paniquée dès que je perdais du sang, paniquée dès que j’avais une douleur, gavée d’hormones parce qu’une FIV c’est pas naturel alors on vous fait prendre beaucoup de trucs pour vous aider…

Et puis il a fallu a chaque fois attendre… Attendre 15 jours après le transfert pour être sur que ça ai pris, attendre les 3 mois, les fameux trois mois où en ce qui me concerne j’ai eu tous les symptômes de grossesse les plus désagréables les uns que les autres, et puis en plus il y avait le test de la trisomie 21 qui pour une fille comme moi, touchée par la génétique, a été un très dur moment à passer…

Et puis après j’ai eu un décollement et un hématome… Alors j’ai du rester tranquille… et après j’ai eu des contractions trop tôt…. alors j’ai aussi du rester tranquille … il a fallu être humble. Et puis j’ai du apprendre à dominer ma trouille. Je vous raccourcis un peu tout le truc… Il y a heureusement aussi des grands moments de joie et de réconfort…

Mais voilà. C’est ce qu’on appelle une grossesse précieuse… Et je crois que jusqu’à ce que j’ai mon bébé dans les bras, je ne serai pas totalement tranquille…

Ce qui me pousse à écrire c’est que forcément, étant plus oisive depuis plusieurs mois, j’ai beaucoup passé de temps sur les réseaux sociaux. Déjà en temps normal je suis une barjo des réseaux sociaux. c’est un peu devenu une extension de moi … trop parfois même si j’estime que j’arrive à faire la part des choses… Davantage Facebook parce que plus facile, car « entre amis » … je ne balance pas mes états d’âme a des inconnus… dans 98% des cas.

Et ces derniers temps revient sans cesse la question de la décence. La décence des photos que l’on montre, que l’on partage avec les autres.

Et cette question se pose d’autant quand vous êtes enceinte. Photo ou pas de sa grossesse ? Photo ou pas de son enfant ?

J’avoue qu’avant je disais : JAMAIS. Jamais je ne mettrai de photo de moi enceinte, jamais.

La vérité c’est que même si je ne suis pas à l’aise de mettre des photos, forcément, ça fait plaisir de le faire. Surtout quand on a un parcours pas évident et qu’on a attendu si longtemps et qu’on a eu si peur. La premiere fois que j’ai posté une photo j’en étais malade. Je voulais la retirer. Je craignais que ça me porte la poisse. Le lendemain j’ai perdu du sang à cause d’un hématome. Je me suis dit : ok c’est un signe.

Et puis tout est rentré dans l’ordre et mettre une photo de temps en temps m’a aidé à concrétiser ma grossesse et à me l’approprier et la positiver. Mettre une photo par ci par là m’a en quelque sorte poussé à aller dans le sens de la vie, à penser positif, à dépasser mes angoisses de la malédiction… Vous savez, je suis le genre de fille qui devra se convaincre toute sa vie que je peux avoir le droit au bonheur sans qu’une grosse tuile me tombe sur la tête… Je ne suis pas de nature insouciante. Je ne le suis plus en tous cas.

Alors pour plein de bonnes raisons je me suis dit que c’était positif de mettre des photos…

Évidemment, avec mon passif, je suis toujours prudente et précautionneuse de la façon dont je les poste : je pense aux copines en mal d’enfants, soit parce que célibataires, soit parce qu’elles ne peuvent pas, n’ont pas pu … je passe mon temps à penser à elles… j’ai moi même été celle qui était cernée de copines enceintes, mariées et fières de l’être tandis que moi je vivais mes galères sentimentales de Bridget Jones ambulante avec à la clé une IVG quand 80% de mes copines m’annonçaient leur première grossesse.

J’en avais parfois vraiment lourd sur la patate. Par contre, je crois que je ne l’ai jamais montré. Je me suis toujours réjouie pour mes amies. Et sincèrement en plus. Parce qu’envers et contre tout, j’aime la vie et je trouve chouette quand la vie gagne.

J’avais même envisagé à un moment donné la possibilité que je n’ai pas la chance d’être maman …

Et quand je tape tout ça, je flippe tout à l’intérieur de moi en me disant que je dois encore attendre que mon bébé soit vraiment là bien vivant dans mes bras avant de m’emballer…

Mais les derniers échanges que j’ai eu sur FB avec certaines copines m’ont poussé à réagir ici.

ça veut dire quoi être décent ?

Si on pousse le raisonnement jusqu’au bout, cela va bien au delà d’une femme enceinte et d’une photo d’enfant :

  • Une photo de bonne bouffe qu’un ami au régime voit c’est dur
  • Une photo de sucreries et méga bonnes pâtisseries pour un ami diabétique c’est vache
  • Une photo de vacances de rêves pour un ami qui lui est privé de vacances ou n’a pas les moyens de s’en payer c’est cruel
  • Une photo de couple super amoureux pour une célibataire en manque d’amour c’est vraiment dur aussi
  • Une photo de vie sociale exubérante pour un ami dans l’isolement ça fait mal …
  • Une photo de belle maison avec jardin et piscine pour un ami qui vit dans une boite à chaussures c’est pas terrible non plus …
  • Une photo de copine surgoalée super bien sapée quand on a une amie qui lutte contre ses kilos en trop et n’a pas les moyens de s’habiller en Paul & Joe / Isabel Marant et j’en passe c’est pas cool …

Bref, toute photo est potentiellement indécente pour un ami. Mais je ne sais pas pourquoi il y a un blocage bien particulier sur la femme enceinte. et ensuite bien sûr sur ses gosses.

J’ai toujours un peu peur de devenir une M.I.L.K. (Mother I’d like to kill) – j’ai dans mon entourage proche, quelques MILK mais bon c’est la famille alors je prends sur moi… j’ai aussi eu une MILK un peu moins proche qui m’insupportais tellement que j’ai du me désabonner pour ne plus l’avoir dans mon fil d’actu car je n’en pouvais plus des photos moches de son gosse moche et de sa vie qui m’horripilais… tout était niais, inintéressant, il faut être honnête, à quelques exceptions et situations près, les gamins des autres, on s’en cogne… et les avancées de l’éveil du gosse, sa capacité à faire ses nuits, faire ses rots, caca dans le pot, évidemment, on n’en a rien a foutre. Non mais c’est vrai … Après, moi j’aime bien les photos d’enfants. J’aime les gosses. Je trouve ça marrant les gosses. Quand ils sont sympas et ne ruinent pas mon appart,  quand ils me bavent pas trop dessus, ne braillent pas dans les avions ni dans les trains et qu’ils obéissent. Ouais je suis sympa. Enfin quand ils sont normaux, pas handicapés, c’est vrai je suis exigeante… Surement une déformation d’avoir un petit frère qui lui avait des vraies bonnes raisons de brailler. En même temps je dis ça j’irai jamais faire un croche pied en douce a un gamin parce que sa tronche me revient pas. Par contre j’aime bien les parents qui savent oublier leur image, leur apparence et qui éduquent leurs gosses quand nécessaire…

On me verra bien à l’œuvre… moi qui suis anti tétine, anti bisous sur la bouche, qui ai des principes de Super Nanny autoritaire, peut être que je serai une grosse nullarde dépassée par les événements, victime d’un enfant dragon hors contrôle et que je pleurerai comme une pauvre madeleine incompétente et que je cèderai à tous ses caprices (Seigneur prenez pitié nooooon !) – bref, je sais bien qu’il ne faut jamais dire « fontaine je ne boirai pas de ton eau » …

Et donc les photos. AAAAAAAAH les PHOTOS. Est ce que je vais poster des photos de ma progéniture ? Eh bien oui. Enfin si mon amoureux n’y est pas hostile. Mais si je suis cohérente avec moi même et ma façon d’utiliser les réseaux sociaux, soyons honnêtes il est fort possible que je poste quelques photos. Sur Facebook, sur un espace assez cadré et verrouillé et peut être même encore trié sur le volet…

Apres moi je mets souvent des photos de mon chien ou des photos de ce que je cuisine ou des photos de vacances ou de famille et forcément ça doit bien gaver certains et certaines… Too bad… je n’oblige personne à regarder et adhérer…

Est ce que je mettrai une photo de mon enfant en couverture facebook ? Non. En profil ? Possible … avec moi. En fond d’écran de mon ordi de boulot ? Jamais de la vie. En fond d’écran Twitter ? Niet. En fond d’écran d’iPhone / iPad ? On verra… parce que je veux pas laisser tomber mon vieux Réglisse (mon vieux carlin que j’aime) qui a déjà cette place sur mes mobiles (perso)…

pregnantJe suis très soucieuse des problématiques de vie privée, de la protection contre les prédateurs sexuels sur le net mais bon … c’est pas comme si j’avais prévu de mettre mes photos en open bar et d’en mettre tous les jours… Alors oui, je pense que oui je mettrai parfois des photos.

Est ce que c’est indécent par rapport a mes copines sans enfants ? Honnêtement, je peux poser la question du : est ce que c’est décent de montrer ses voyages au bout du monde à ses copines qui ne peuvent pas s’en payer ? Est ce que c’est décent de montrer des photos de son shopping de la mort qui tue quand on doit tout le temps faire gaffe à son découvert, est ce que c’est décent de montrer des photos de ses soirées où on s’éclate quand on est en manque de vie sociale ? Je pense être décente par rapport a mes amies célibataires sans enfants ou juste sans enfants. J’ai passé mon temps à tout le temps faire gaffe… Moi ce qui m’aurait fait plaisir c’est que certaines de ces amies, se réjouissent pour moi, me félicitent, « likent » parfois mes photos, me demandent des nouvelles… ça m’aurait fait plaisir ça … Oui parce que certaines ont malheureusement eu une attitude de rejet… et pourtant je n’ai pas le profil de la fille mariée fiere de l’etre et poule pondeuse proprio avec voiture chien et vacances garanties à Bali / New York / Ile de Ré …. c’est décent ça ? Je sais pas…

Alors voilà … il y a débat. Je dois y aller mollo parce que c’est vraiment pas encore le moment que j’accouche… alors je dois me ménager les hormones et l’humeur… et dieu sait quand on est enceinte comment on devient encore plus soupe au lait (enfin moi) …

Donc pour moi, tout est une question de dosage, d’approche, de tonalité … Moi j’essaie toujours d’être dans l’humour… l’auto dérision .. j’essaie de ne pas virer grosse neuneu romantique niaise (de toutes façons je suis pas comme ça) …

anne-geddes--bunny-baby--adorbale-baby-photography-93932Et alors chose curieuse, là où j’ai reçu le plus de bienveillance, de gentillesse, de commentaires vraiment réjouis ce sont les personnes du groupe de la maladie de mon frère. Des personnes qui ont des enfants atteints, avec qui bien sur j’ai partagé mon expérience, ont été supers soutenant et ne m’ont jamais fait sentir que je pouvais être indécente… Parce que cette grossesse je la vis avec beaucoup d’humilité et de reconnaissance et même encore avec grande prudence…

Mais voilà. Je suis quelqu’un qui communique. C’est dans ma nature, c’est même mon métier. J’ai l’habitude de partager … et je sais depuis toujours que c’est une gymnastique difficile… je réalise que ça l’est encore plus quand on est enceinte… Même avec ses proches…

Et vous ? Que pensez vous de tout cela ? Cette notion de décence et d’indécence ? Il y aurait beaucoup à dire n’est ce pas ? On pourrait extrapoler encore plus loin jusqu’aux informations qu’on lit dans les médias … Jusqu’où on doit regarder, lire, jusqu’où on doit montrer … ?

Sur ce je vous passe le relais de la réflexion… 🙂

A bientôt pour d’autres épisodes je l’espère un peu plus légers… aussi…

Anne_Geddes_wall_anth07NB: Photos non contractuelles, via Google Images / Anne Geddes et inconnues.

La société Française doit arrêter de vouloir mettre les gens dans des cases.

Bonjour à tous

Beaucoup moins le temps d’écrire ces derniers temps, travail oblige. Souvent j’ai des envies d’écriture légère, parler de choses plus futiles, de musique, de voyages, de cinéma, de cosmétique mais à chaque fois le temps me manque et je me retrouve embarquée dans l’expression de ma révolte qui elle ne tarit pas.

Et puis je gère désormais l’activité militante de « Une vie digne pour le handicap mental » ainsi que d’autres causes liées de près à cela … Dans la vie il faut bien gérer ses priorités.

D’ailleurs, je vous remercie d’avance d’aller y faire un tour et de signer et partager… même de témoigner si vous vous sentez concernés (professionnels compris) : http://uneviedigne.blogspot.fr/

Ces derniers temps je lis beaucoup de témoignages, de personnes en situation difficile qui se retrouvent encore plus précarisées pour des raisons administratives. Pour des histoires de CASES. En France il y a cette manie oppressante de vouloir à tout prix faire rentrer les gens dans des cases.

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Je l’ai ressenti très jeune quand nous sommes rentrés des caraïbes. Il fallait à tout prix choisir sa classe sociale. Savoir à quel camp on appartenait. Riche, pauvre, classe moyenne, cultivés, idiots, beaufs, bourgeois, je me souviens déjà enfant que ça m’oppressait, m’épuisait. J’ai grandi libre. J’ai été élevée libre par des parents libertaires et totalement déclassés. Alors quand nous sommes rentrés et qu’il a fallu que je m’intègre, j’en ai bavé…

et à vrai dire je ne me suis jamais vraiment mise dans un moule… je n’y arriverai jamais. J’y arrive mieux parce qu’il n’y a pas le choix et pour survivre il faut s’intégrer mais je n’aime pas ce principe de cases.

Et puis il y a l’administration française qui fait basculer la vie des gens dans un sens ou dans l’autre pour une histoire de cases. Le cas par cas n’existe pas. Non il faut absolument être classé dans une catégorie. Pour certains, ces classements ont des conséquences désastreuses. Je pense notamment à des personnes en situation de précarité et de handicap. Pour des raisons totalement illogiques, absurdes, certaines personnes se retrouvent pénalisées pour des histoires de barèmes, de cases et dans l’incapacité totale de faire valoir le caractère exceptionnel ou différent de leur situation qui justifie malgré tout de rester dans telle ou telle case.

On se retrouve face à des murs. Des murs en béton armé. Tant pis pour eux, ils avaient qu’à bien naître.

Quand on voit que des mecs comme Carrez, Thévenoud, Cahuzac et cie. sont exemptés de prison, qu’ils continuent leur petite vie pépère au dessus des lois, tandis que des pauvres gens, déjà étranglés par la misère, les malheurs et le handicap se retrouvent menacés d’expulsion et privés d’aide financière pour une histoire de case, je me dis que là, notre société à touché le fond et il me semble inconcevable qu’à un moment donné on ne descende pas tous dans la rue pour rétablir une vraie justice.

 

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Parce qu’il faut arrêter de s’excuser du handicap.

Bonsoir,!

Cette semaine j’ai un peu le temps le soir d’écrire alors j’en profite !

Il y a une remarque que je me suis fait : c’est fou comme tous les parents de jeunes handicapés mentaux se sentent super stressés par les autres en fait. Et je me suis souvenue les années à présent lointaines de mon frère Hugo quand il avait entre 2 et 8 ans. Des années dingues !

Des années où on était tous sur stressés dans les espaces publics : supermarchés, parkings, Mac Do, cinéma, plage, … partout où il y avait les autres. Les « normaux ».

Hugo ne portait pas le handicap sur son physique. Alors forcément, les gens nous regardaient encore plus de traviole.

Je dis encore plus. Parce que lorsque le handicap est visible, on vous regarde de traviole aussi hein…On lit bien dans les regards des gens un « il est pas bien normal lui hein? » . Bah non M’sieurs dames il est pô bien normal hein… il a un retard mental. Une maladie génétique appelée Syndrome X Fragile. 1ère cause de retard mental héréditaire. Première cause génétique connue de l’Autisme. ça vous en bouche un coin hein ?

Avec du recul j’ai des souvenirs qui me reviennent.

Je me dis que si un jour j’ai la chance d’être maman, je sens profondément en moi que je serai « cool ». En ce sens que j’ai tellement été « éduquée » à la dure avec mes frères et soeur et surtout avec Hugo que je me dis que ça me semblera facile… Mais peut etre que je me fourre le doigt dans l’oeil et que je serai une grosse stressée de la vie … !

Je me souviens de Hugo qui hurlait dans le magasin de ma mère, qui ne supportait pas le regard frontal, les regards des autres, les bruits. Il nous regardait et BIM coup de boule ! Et le coup de boule se suivait d’auto mutilation et de hurlements. Il se tapait la tête, se mordait les mains et criait. Et nous on se barrait dans la réserve et finalement dehors et finalement on rentrait parce que c’était ingérable.

Et puis au supermarché, parfois Hugo piquait des crises au milieu des rayons. Ou alors quand ça arrivait que soudain on le perde de vue, on hurlait HUGO ! mais pas comme des gens normaux. Nous on était déjà en mode panique maximale.

A la plage même combat. J’ai passé des années à faire CRS de mes frères et soeur (même les pas X fragile hein). Jamais le cul posé sur une serviette. J A M A I S. C’est comme ça pour tout le monde vous me direz. Mais moi je me souviens que je courais dans la flotte dès que je voyais des jeunes regarder Hugo et rigoler et se moquer de lui. Mes parents regardaient de loin mais je crois qu’ils ont accepté plus vite que moi. Je déboulais comme une furie. Je leur demandais s’ils avaient un problème ? Je les agressais puissance 1000 à base de : vous voyez pas qu’il est différent ? Vous voyez pas qu’il est handicapé ? Vous avez pas honte ?

Je me souviens des WE dans mon premier appart, les sorties au Mac Do, le cinéma, j’essayais d’avoir des sorties avec mon frère comme une famille normale mais ça fonctionnait mal. Là où je nous sentais le mieux c’est quand on était enfermé dans mon 38m² loin des gens et loin des « normaux ».

Ils se rendent pas compte les gens normaux comme ils agressent les gens différents avec leurs jugements, leurs regards, leur dégoût, leur pitié, leur malaise… Et nous comme des cons, on se sent mal de ça… On se stresse, on rougit, on éprouve le besoin de se justifier, presque de s’excuser, on a la haine, on a la rage, on a les boules.

Pourquoi hein ? Pourquoi vous les acceptez pas les handicapés ? Pourquoi quand on est différent on se fait regarder de traviole ?

Avec du recul il y a des scènes qui me font rire … Heureusement le temps fait bien les choses et ce qui me rendait malade de stress à l’époque me fait marrer maintenant parce que EVIDEMMENT qu’on devait nous prendre pour des dingues ! Notre vie de famille était dingue. Déjà à la base on n’a rien d’une famille traditionnelle chez moi. Un jour peut être je raconterai ma famille… dans un livre peut être … ou un scénario de film… avec une de mes cousines c’est ce qu’on se dit à chaque fois: notre famille ferait un super film super marrant… et touchant aussi…

Je me souviens notamment de quand je venais juste d’avoir mon permis. Je conduisais le break 405 familial. En 1ere voiture c’est costaud ! Et bim il a fallu que j’emmène ma soeur et mon tout jeune frère à la clinique à Versailles voir ma mère qui était enceinte de mon autre frère et qui avait des soucis de grossesse (ouais ma mère m’a eu à 18 ans et les 3 derniers entre 36 et 40 ans … on est 5 et Hugo est le 3eme) …. Bref. Carrefour du Cheval Mort. Faut le faire un carrefour avec un nom pareil. Mon frère Hugo qui se détache de son siège auto. Ma soeur a côté de moi incapable de le remettre et de le redresser. Je cale au milieu du carrefour. Je suis arrivée cramoisie de stress à la clinique. Faut le savoir, les jeunes X Fragiles détestent les siège auto. Ils se détachent. Et j’avais la trouille au bide d’avoir un accident.

Je crois qu’on a crié « HUGO » un nombre incalculable de fois. Des MILLIARDS de fois ! Sur la plage, dans la rue, dans les allées de supermarchés. HUGOOOOOO ! « Il est où Hugo? »

Et le pire vous savez, c’est que ça continue… En moins fort, en moins souvent, en moins pire mais il y a des réflexes qui restent… des peurs viscérales aussi… la peur de perdre mon frère. Cette peur ne me lâchera jamais. J’ai toujours peur qu’on le perde. Je crois que je pourrai en mourir.

Un jour je suis venue rendre visite à ma famille un WE. Mon jeune frère (qui a 19 ans à présent) me sort : papa a perdu Hugo au marché. J’ai tout lâché, je tremblais comme une feuille, je suis partie en sprint, iphone dégainé et j’ai littéralement engueulé mon père… Qui évidemment avait retrouvé Hugo…

Avec une personne handicapée dans sa famille, un fils, une fille, un frère, une soeur, on ne peut pas faire attention trop longtemps à ce que pensent les autres… On n’a pas le temps de faire des manières. On est dans le concret. Dans le réel, dans l’urgence. Je crois que j’ai longtemps eu « honte » de façon bête de ma famille. Je disais toujours: Oh là … ma famille c’est un peu la famille Addams façon Guerre des Roses.

1991, THE ADDAMS FAMILY

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Je le pense toujours mais maintenant j’en suis fière et je ne renie plus en faire partie. ça fait partie de moi. C’est ce qui fait que je suis qui je suis aujourd’hui. Et ce qui est chouette c’est que je trouve qu’on est des personnes plutôt libres dans cette société tellement aliénante.

Alors à vous familles d’handicapés, ne vous laissez pas accabler par la société. Ne cherchez pas à tout prix à être comme « tout le monde ». Ne pensez pas que c’est en ressemblant le plus possible aux autres que votre intégration sera plus facile. Vous êtes ce que vous êtes, vous avez le droit d’être comme vous êtes, avec vos différences et vos côté dingues pas standard. Et vous savez quoi ? C’est ça qui fait aussi votre richesse.