A LIRE EN URGENCE POUR S’OUVRIR LA CONSCIENCE:
Edito dos de couv’ du livre:
‘Jusqu’à ce jour je n’ai jamais parlé de mes deux garçons. Pourquoi? J’avais honte? Peur qu’on me plaigne? Tout cela un peu mélangé. je crois, surtout, que c’était pour échapper à la question terrible: qu’est-ce-qu’ils font?’
Aujourd’hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j’ai décidé de leur écrire un livre.
Pour qu’on ne les oublie pas, qu’il ne reste pas d’eux seulement une photo sur une carte d’invalidité. Peut être pour dire mes remords. je n’ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas. Avec eux, il fallait une patience d’ange, et je ne suis pas un ange.
Grâce à eux, j’ai eu des avantages sur les parents d’enfants normaux. Je n’ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n’avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu’ils feraient plus tard, on a su rapidement que ce serait: rien.
Et surtout, pendant de nomreuses années, j’ai bénéficié d’une vignette automobile gratuite. Grâce à eux, j’ai pu rouler dans des grosses voitures américaines’.
‘Depuis qu’il est monté dans la Camaro, Thomas, 10 ans, répète, comme il le fait tous les jours: ‘Où on va, papa?’
Au début, je réponds: ‘On va à la maison’.
Une minute après, avec la même candeur, il repose la même question, il imprime pas. Au dixième ‘Où on va papa?’ Je ne réponds plus…
Je ne sais plus très bien où on va mon pauvre Thomas.
On va à vau-l’eau. On va droit dans le mur
Un enfant handicapé, puis deux. Pourquoi pas trois…
Je ne m’attendais pas à ça.
Où on va, papa?
On va prendre l’autoroute à contresens.
On va en Alaska. On va caresser les ours. On se fera dévorer.
On va aux champignons. On va cueillir des amanites phalloïdes et on fera une bonne omelette.
On va à la piscine, on va plonger depuis le grand plongeoir, dans le bassin où il n’y a pas d’eau
On va aller à la mer. On va au Mont Saint-Michel. On ira se promener dans les sables mouvants. On va s’enliser. On ira en enfer.
Imperturbable, Thomas continue: ‘Où on va, papa?’. Peut être qu’il va améliorer son record. Au bout de la centième fois, ça devient vraiment irrésistible. Avec lui, on ne s’ennuie pas, Thomas est le roi du running gag.
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Que ceux qui n’ont jamais eu peur d’avoir un enfant anormal lèvent la main.
Personne n’a levé la main.
Tout le monde y pense, comme on pense à un tremblement de terre, comme on pense à la fin du monde, quelque chose qui n’arrive qu’une fois.
J’ai eu deux fins du monde….
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Je n’aime pas le mot ‘handicapé’. C’est un mot anglais, ça voudrait dire ‘la main dans le chapeau’.
Je n’aime pas non plus le mot anormal. Surtout quand il est collé à ‘enfant’.
Qu’est-ce que ça veut dire, normal? Comme il faut être, comme on devrait être, c’est à dire dans la moyenne, moyen. Je n’aime pas trop ce qui est dans la moyenne, je préfère ceux qui ne sont pas dans la moyenne, ceux au-dessus et pourquoi pas, ceux au-dessous, en tous cas, pas comme tout le monde. Je préfère l’expression ‘pas comme les autres’. Parce que je n’aime pas toujours les autres.
Ne pas être comme les autres, ça ne veut pas dire forcément être moins bien que les autres, ça veut dire, être différent des autres.
Qu’est-ce que ça veut dire un oiseau pas comme les autres? Aussi bien un oiseau qui a le vertige qu’un oiseau capable de siffler sans partition toutes les sonates pour flûte de Mozart.
Une vache pas comme les autres, ça peut être une vache qui sait téléphoner.
Quand je parle de mes enfants, je dis qu’ils ne sont pas comme les autres. ça laisse planer le doute.
Einstein, Mozart, Michel-Ange, n’étaient pas comme les autres…
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Si vous étiez comme les autres, je vous aurais conduits au musée. On aurait regardé ensemble les tableaux de Rembrandt, Monet, Turner et encore Rembrandt…
Si vous étiez comme les autres, je vous aurais offert des disques de musique classique, on aurait écouté ensemble d’abord Mozart, puis Beethoven, puis Bach et encore Mozart
Si vous étiez comme les autres, je vous aurais offert plein de livres de Prévert, Marcel Aymé, Queneau, Ionesco et encore Prévert.
Si vous étiez comme les autres, je vous aurais emmenés au cinéma, on aurait vu ensemble les vieux films de Chaplin, Eisenstein, Hitchcock, Bunuel et encore Chaplin.
Si vous étiez comme les autres, je vous aurais emmenés dans les grands restaurants, je vous aurais fais boire du chambolle-musigny et encore du chambolle musigny..
Si vous étiez comme les autres, on aurait fait ensemble des matchs de tennis, de basket et de volley-ball.
Si vous étiez comme les autres, on serait monté ensemble dans les clochers des cathédrales gothiques, pour avoir un point de vue d’oiseau.
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Si vous étiez comme les autres, je vous aurais conduits au bal avec vos fiancées dans ma vieille voiture décapotable.
Si vous étiez comme les autres, je vous aurais donné en douce des petits biffetons pour faire des cadeaux à vos fiancées.
Si vous étiez comme les autres, on aurait fait une grande fête pour votre mariage.
Si vous étiez comme les autres, j’aurai eu des petits-enfants.
Si vous étiez comme les autres, j’aurai peut être eu moins peur de l’avenir.
Mais si vous aviez été comme les autres, vous auriez été comme tout le monde.
Peut être que vous n’auriez rien foutu en classe.
Vous seriez devenus délinquants.
Vous auriez bricolé le pot d’échappement de votre scooter pour faire plus de bruit.
Vous auriez été des chômeurs.
Vous auriez aimé Jean-Michel Jarre.
Vous vous seriez marié avec une conne.
Vous auriez divorcé.
Et peut être que vous auriez-eu des enfants handicapés.
On l’a échappé belle…
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