Balance ton blé

Je crois que notre société est à un tournant de sa mutation … je ne suis pas experte en sociologie ni en politique, je suis juste un témoin, française moyenne sûrement naïve et ignorante de beaucoup de choses, comme nous tous, de ce qui se passe dans notre monde. Avec la vitesse de la circulation de l’information, la vitesse de la déformation de l’information, la vitesse des mensonges et de la manipulation, la vitesse de la diversité des informations il y a de quoi attraper le vertige.

J’essaie coûte que coûte avec le temps de ne pas me laisser entraîner dans les tourbillons puissants populistes et je déteste les mouvements de groupe qui appellent à la haine et la destruction systématiques. ça me fait peur. Mais je déteste la manipulation et le mépris du pouvoir pour le peuple et l’aplomb avec lequel les puissants prennent le peuple pour des cons.

Au vu des événements, on ne peut pas cependant nier qu’on vit dans une société dont la générosité est vraiment inégale.

Je n’ai jamais aimé la comparaison entre les malheurs, entre les maladies, entre les souffrances, entre les causes. On soutient, on est sensible à des causes différentes, parfois à toutes en même temps et on fait tous ce qu’on peut pour être solidaire selon sa sensibilité, ses moyens.

Avec l’incendie spectaculaire, terrifiant, presque apocalyptique de Notre-Dame en plein début de semaine Sainte, il y a eu un effet symbolique d’une grande puissance pour beaucoup d’entre nous. Un garde-fou, une alarme retentissante…presque un effet de jugement dernier. En tous cas c’est comme ça que je l’ai ressenti. Et puis ce sentiment que notre histoire enracinée se consume, disparaît. Cette histoire puissante, solide, enracinée qui nous a forgé à travers les siècles qui s’efface de façon visible ça fait peur.

Je suis chrétienne catholique non pratiquante depuis des années et cet incendie m’a touché en profondeur. J’ai regardé sidérée en boucle cette flèche s’effondrer dans le brasier de la charpente. J’ai eu la gorge serrée, les larmes aux yeux. Je me suis sentie atteinte dans mon âme. Je ne pense pas avoir fait de sensiblerie. Et puis il y a cette vague de dons qui est arrivée. Cette mobilisation inouïe comme si nous avions été attaqués au plus profond de notre société, comme si nous venions de vivre une apocalypse…. l’affluence visible des grands puissants du CAC 40 Français se sont fendus de quelques millions pour sauver la France, sauver un de nos symboles … Le Président et ses conseillers ont décidé de tout suspendre et faire de cet incendie un événement national majeur.

En soi c’est bien. Je veux dire c’est positif de resserrer les liens, de faire preuve de générosité pour sauvegarder notre patrimoine. Et puis malgré tout il y a ces détails dérangeants qui petit à petit créent un malaise…des questions qui se posent… J’essaie de rester positive mais ces questions sur la nature humaine, sur la réalité de notre société surgissent … Et je réalise très vite que ces questions surgissent de partout … de façon plus ou moins suspicieuses…

L’excès de dons pour Notre Dame a eu l’effet de montrer la violence de l’inégalité de notre société et le ravin abyssal qui existe entre les riches et les pauvres. Il y en a toujours eu de l’inégalité. Les pauvres ont toujours été plus nombreux que les riches mais la différence maintenant semble être que cela est beaucoup plus visible, beaucoup plus extrême aussi.

Moi je ne reproche pas aux riches d’être riches. Moi aussi j’aimerai être riche dans l’absolu. En tous cas suffisamment pour ne pas être obligée de trop compter, pouvoir offrir des vacances à ma fille plusieurs fois par an, pouvoir me faire quelques plaisirs, sortir, voyager, prendre soin de moi et ceux que j’aime … faut pas se leurrer, l’argent, dans notre société actuelle, ça aide.

Ceux qui disent que l’argent ne fait pas le bonheur ne savent pas ce que c’est que d’en manquer. Donc oui, jusqu’à preuve du contraire, l’argent aide à mieux vivre et moi je ne suis pas contre. Par contre, je suis pour de l’argent gagné de façon juste et dans des proportions saines. Et aujourd’hui, il y a un véritable fossé entre les travailleurs qui triment en étant payés au lance pierre et des très riches qui gagnent des millions juste en étant héritiers. Je schématise évidemment.

Notre société depuis des mois, rend visible de façon criante la détresse des plus vulnérables. Avec les réseaux sociaux, le mouvement des gilets jaunes, le ras le bol bruyant et dérangeant du peuple et notamment des classes moyennes en voie d’extinction qui paient, qui travaillent qui paient toujours plus avec toujours moins de pouvoir d’achat, moins d’infrastructures, moins d’aides et de soutiens et à qui on répète qu’il n’y a pas le choix et qu’elles devront travailler encore plus, plus longtemps, parce qu’il n’y a pas le choix, parce que sinon la France s’éteindra, sinon, la dette augmentera, il n’y a pas le choix.

Les hôpitaux saturent, les handicapés sont sacrifiés, les chômeurs sont menacés et stigmatisés, les SDF augmentent, c’est la corde raide. Les associations caritatives ont moins de dons et en parallèle, les plus riches deviennent plus immensément riches (sans forcément recréer de l’emploi, sans forcément redistribuer la richesse à ceux qui en ont besoin) et soudain, soudain, ces grosses multinationales favorisées et protégées par l’Etat, grand seigneur, lâchent des millions de façon presque démesurée pour nos vieilles pierres. Pourquoi ?

Je veux dire, pourquoi aussi facilement et autant pour des vieilles pierres mais pas aussi facilement et autant pour aider l’état, les associations, les français qui souffrent ?

Cela montre que de l’argent il y en a. Il y en a dans le privé et dans le public aussi. Des milliards. On se rend juste compte que c’est une question de CHOIX. Le choix de la gestion de tout cet argent nous dépasse. A nous on répète qu’il n’y a pas le choix. Il faut payer la dette, il faut travailler plus, il faut s’assumer encore plus : retraite, santé, éducation, transports, on doit se prendre en mains et ne plus être des assistés de l’état. Mais on aide, on favorise des grosses multinationales à payer le moins possible de taxes pour qu’elles puissent s’autoriser à grands renforts de communication des dons de millions d’euros pour rebâtir un de nos monuments.

Entendons nous bien : je suis pour la réparation de Notre Dame (en espérant que cela soit fait dans le respect des bâtisseurs qui l’ont érigée), je trouve positif le don de grandes sommes d’argent en cas de besoin. Je me demande juste pourquoi la misère ne soulève pas le même élan ? Je me demande si en temps de guerre destructrice sanguinaire, en cas de cataclysme majeur, si ces mêmes immenses richesses auraient la même générosité… ? Je me demande s’il y a finalement une vraie volonté d’enrayer la misère? S’il n’y avait plus de misère il n’y aurait plus de riches .. c’est peut être ça en fait … les riches veulent rester en happy few pour être sûrs de le rester… soit. Mais quand il y a tant d’argent, à quoi cela sert-il ?

Si les hypers richesses redistribuaient une partie de leur fortune à l’état ou à des organisations caritatives, si tout le monde avait un toit, à manger, une éducation, un revenu minimal satisfaisant, ça serait la paix dans le monde. ça serait bien. Trop bien peut être ?

Une réflexion au sujet de « Balance ton blé »

  1. Ping : Blog : Notre-Dame, nos drames – chez Iceman

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